Entretien avec les auteurs du livre
(extrait du livre)
Les auteurs :
François Pont (textes) est rédacteur de presse, auteur de plusieurs livres, il a contracté la maladie de Lyme lors d’un reportage à l’étranger. Comme de nombreux malades, il a vécu un long parcours d’errance médicale.
Marc Lacouture (photographies), est photographe portraitiste après avoir été éditeur. Il se consacre à la photographie documentaire depuis plusieurs années (marclacouture.com)
Pourquoi avoir fait un livre sur la maladie de Lyme et recueilli autant de témoignages ?
Marc LACOUTURE : La maladie de Lyme est encore aujourd’hui très mal diagnostiquée. Les tests sérologiques sont controversés et considérés comme peu fiables. Les malades qui échappent à un traitement, immédiatement après une morsure de tique infestée, peuvent développer une forme chronique.
François PONT : Cette version sévère et persistante de la maladie fait l’objet d’une polémique unique en son genre car les autorités de médecine ne la reconnaissent pas. La controverse donne lieu à des débats virulents entre les différents protagonistes. À travers ce livre, nous sommes partis à la rencontre de malades qui ont développé la forme tardive de cette maladie.
Comment expliquez-vous le climat délétère qui entoure cette maladie ?
ML : Les polémiques s’articulent de manières multiples, d’abord entre médecins. Dans quelques hôpitaux, on reconnaît et on traite des patients pour une forme chronique de Lyme, alors que dans la plupart des établissements de santé, les mêmes patients, après avoir erré de service en service, seront expédiés en psychiatrie ou « à la maison » sans traitement. Environ trois cents docteurs en France, surnommés « docs Lyme », ont développé des protocoles de traitement expérimentaux à base d’antibiotiques. Ils affichent leurs divergences avec la doctrine de leur autorité de tutelle. Ils implorent des budgets pour la recherche. Plusieurs de ces médecins ont été attaqués par leur Conseil de l’ordre et interdits temporairement d’exercer. D’autres sont menacés, voire sanctionnés financièrement, par la Caisse d’assurance maladie pour prescriptions abusives d’antibiotiques.
FP : Ensuite, entre patients et médecins. Face au rejet du monde médical, les malades ont créé des associations pour se regrouper et partager leurs mauvaises expériences, tenter de trouver des solutions et se soutenir. Ils veulent aussi manifester, se faire entendre des politiques et ils mènent des actions juridiques contre des professionnels de santé ou des laboratoires. Enfin, nous avons aussi constaté une ambiance délétère entre certaines associations de malades. Les divergences sur la stratégie à adopter face aux autorités de santé, collaborative ou militante, conduisent à une division stérile. Et, comme si ce n’était déjà pas assez compliqué, les malades peuvent aussi desservir leur propre cause. Excédés par ce qu’ils vivent comme de la maltraitance de la part de la médecine officielle, ils se durcissent, se radicalisent, notamment sur les réseaux sociaux, au point parfois de nuire au progrès de leur cause et aux initiatives concertées.
Sous quel angle avez-vous choisi de traiter ce sujet ?
FP : Sous l’angle de ceux qui souffrent, une approche sociale et surtout pas scientifique. Il semble que cela soit la première fois qu’autant de portraits de malades, tous très différents les uns des autres, soient réunis dans un même ouvrage.
Comment êtes-vous entrés en contact avec ces témoins ? Êtes-vous bien certains qu’ils souffrent de Lyme ?
FP : La plupart de nos témoins ont été contactés par l’intermédiaire des professionnels de santé, à l’hôpital comme en médecine libérale, qui soignent la forme persistante de la borréliose de Lyme, celle-là même qui est contestée par la « doxa » médicale. Plusieurs associations se sont fait l’écho de notre projet.
ML : Nous avons rapidement été submergés par le nombre de personnes voulant témoigner. Parmi elles, nous avons retenu des profils variés qui démontrent que Lyme nous concerne tous : jeunes et vieux , riches et pauvres, ruraux et citadins, hommes, femmes, enfants… Cette maladie n’est certainement pas celle des seuls forestiers quinquagénaires de la Creuse.
FP : Nous ne sommes pas en capacité de poser le moindre diagnostic car nous n’en avons pas les compétences. En outre, nous n’avons jamais demandé à accéder aux dossiers médicaux. Le filtre des médecins et des associations nous a permis de rencontrer des personnes crédibles et d’éviter ceux qui prétendent, sans arguments, souffrir de Lyme, car cette réalité fait aussi partie du problème. Chaque témoignage a été soumis à la relecture de son auteur pour qu’il se retrouve dans nos propos.
Combien de personnes rencontrées, de kilomètres parcourus, d’heures d’interviews réalisées, en bref quelles furent l’intensité et la méthode de votre enquête ?
ML : Notre enquête s’est étalée sur plus d’un an. Nous avons fait des milliers de kilomètres à travers la France, de Tarbes à Nancy, de Saint-Malo à Saint-Etienne, Aix-en Provence, Bordeaux, etc., pour rencontrer les malades là où ils vivent.
FP : Nous avons réalisé plus d’une centaine d’heures d’interviews approfondies pour cerner l’histoire de chacun, en quoi l’installation de la maladie a bouleversé leur destin avec les conséquences sociales, familiales et professionnelles que cela induit. Nous avons aussi interrogé des membres d’associations, des médecins, des proches de malades, des journalistes, des scientifiques afin de mieux comprendre l’environnement de la polémique. Nous avons absorbé des quantités de programmes radiophoniques ou télévisés, du YouTube en voici en voilà, des podcasts, des PDF à rallonge, des polémiques sans fin sur les réseaux sociaux…
ML : Nous avons aussi lu les thèses les plus variées sur Lyme, comme celle qui envisage une explosion du nombre de malades à la suite d’expériences bactériologiques militaires américaines sur la tique qui auraient mal tourné (des sénateurs américains ont demandé récemment l’ouverture d’une enquête sur les recherches militaires menées sur les tiques par le Pentagone). Nous avons pris connaissance des derniers chiffres officiels de Santé publique France et du réseau Sentinelles sur le nombre de malades en France passant de 26 000 cas en 2009 à 45 000 en 2017 et… 67 000 en 2018 ! Lyme est désormais l’une des dix maladies infectieuses les plus fréquentes en France. Nous sommes bien loin d’une pathologie rare.
Quels sentiments éprouvez-vous à l’égard de toutes ces personnes rencontrées ?
ML : Chacune de nos rencontres avec les témoins de ce livre a été particulièrement intense. Leurs parcours, leurs vies brisées qu’ils ont accepté de nous raconter, nous ont évidemment bouleversés. En parcourant la France, nous avons eu l’impression de tisser un fil invisible entre ces personnes, la plupart du temps isolées dans leur maladie, livrées à elles-mêmes et peu informées. Le cas de Ronan, page 30 de ce livre, est caractéristique. À 13 ans, son état physique commence à se dégrader et il perd petit à petit la vue. Il doit quitter son école, être scolarisé dans un établissement pour malvoyants et utiliser une canne blanche. Les médecins ne trouvent rien. Pis, après une semaine d’examens dans un grand hôpital, on lui dit que sa vue est intacte, qu’il simule et il est envoyé en psychiatrie ! Mis sur la piste de Lyme par un docteur de famille, il a la chance d’être orienté vers un des rares « docs Lyme ». Quand je l’ai photographié, à 16 ans, après huit mois de traitements adaptés, il avait retrouvé 60 % de sa vue ! Mais le traumatisme psychologique et la colère d’avoir été traité de menteur restent très vifs. Il n’est pas le seul, bien d’autres enfants ont subi le même sort. Lisez ou écoutez le témoignage de Yannick Schraen (voir les références en fin de notre ouvrage), c’est tout aussi dramatique.
FP : Je n’ai pas toujours été en capacité d’accompagner Marc lors de ses déplacements. Au final, ce fut plutôt intéressant car nous avions un regard complémentaire sur chaque témoin. Je faisais des interviews à distance très poussées que l’on confrontait aux entrevues physiques vécues par Marc. Je l’ai souvent retrouvé, au retour de voyage, très ému par ces rencontres.
Quel est le dénominateur commun entre tous ces témoignages ?
ML : Chaque témoin a une histoire personnelle, mais les parcours, à travers la maladie et la souffrance, sont finalement proches. Une première phase d’errance, qui dure parfois des années, avant d’envisager une maladie vectorielle. Pendant cette errance, et alors que son état physique ne cesse de se dégrader, le malade passe de spécialiste en spécialiste, parfois des dizaines. Quasi systématiquement, alors que les tests et examens traditionnels ne révèlent pas de pathologie, il s’entendra dire, avec plus ou moins de délicatesse, que  la maladie est dans sa tête , que le traitement doit être psychiatrique.
FP : Puis, par l’intermédiaire de l’entourage ou par ses propres recherches, le malade va envisager l’hypothèse d’une borréliose, réussir à trouver un    « doc Lyme », souvent loin de chez lui, et valider par des tests, pas toujours officiels (parfois même vétérinaires !) sa maladie. Une nouvelle phase d’errance commence alors, pendant laquelle il va recevoir différents protocoles lourds, mal documentés en l’absence de recherche, avec des résultats irréguliers. Certains parviennent à être asymptomatiques et vivent normalement. Beaucoup se portent mieux grâce à ces traitements d’épreuve mais subissent des rechutes. Malheureusement, d’autres restent lourdement atteints avec souvent des pathologies additionnelles.
Votre enquête laisse penser que de nombreux malades ne seraient pas soignés…
ML : Oui, bien évidemment ! Nombre de malades en France demeurent dans l’errance ou sont orientés vers d’autres pathologies pour lesquelles ils sont soignés sans résultat. Beaucoup se refusent à remettre en question le bilan erroné qu’on leur a fait. Cela demande un effort considérable de contester la parole d’un médecin et de devoir rechercher d’autres solutions pour se soigner. Presque tous les témoins de ce livre ont reçu un mauvais diagnostic et des traitements non adaptés. Tous avaient, au commencement, une confiance totale dans la médecine et dans leurs médecins. Ce n’est évidemment plus le cas. Une défiance s’est installée et nuit aux professionnels de santé comme aux patients.
La borréliose de Lyme n’affecterait-elle pas que la santé ?
ML : Oui, l’aspect social du problème n’est pas le moindre. La chronicité de cette maladie n’est pas reconnue par les autorités médicales. Elle ne l’est par conséquent pas non plus par l’Administration : la Sécurité sociale et donc les mutuelles. Les traitements au long cours, très coûteux, ne sont pas remboursés intégralement. Les malades en arrêt de travail, au bout d’un certain temps, ne sont plus indemnisés. Bref, perte de revenus, traitements dispendieux… la plupart de ces personnes se trouvent dans des situations financières exsangues, contraintes à épuiser leurs revenus et leurs économies ou à être dépendantes de leur entourage quand cela est possible. On ne compte plus les cagnottes lancées sur le Web… comme autant de messages de désespoir.
FP : Par ailleurs, ceux qui en ont les moyens peuvent se faire soigner en Allemagne ou aux États-Unis, où il y a des structures spécialisées. Ils ont plus de chances d’être bien pris en charge. L’aspect social de Lyme est une double peine après la maladie et avant le rejet de la famille. En effet, quand un professionnel de santé dit à un conjoint, des parents, des enfants que le patient fantasme sa maladie, que ses lectures sur Internet sont à l’origine de psychoses hypocondriaques ou simplement que la pathologie invoquée n’existe pas, il arrive que la famille se range du côté des médecins. Dès lors, le malade est incompris, rejeté. Il s’isole.
Seuls les gens de la campagne sont-ils exposés à la dangerosité des tiques ?
ML : Lors de nos déplacements, nous avons été saisis par l’importance de ce fléau dans certaines régions à tradition forestière sans pour autant que ce soit une maladie de la ruralité. Par exemple, dans le petit village des Vosges où j’ai photographié Mme Astier (page 48), il y a un malade de Lyme dans presque chaque famille. Non loin, à Thaon-les-Vosges, lors d’une récente conférence sur la maladie de Lyme, la salle de 1 000 places n’a pas suffi à accueillir tout le public venu y assister.
FP : Beaucoup de citadins sont touchés et pas uniquement pendant des voyages. Les tiques ou autres insectes hématophages sont présents au cœur des agglomérations, même les plus bétonnées. Le réseau Sentinelles a répertorié 5 000 cas de borréliose en Île-de-France l’année dernière et pas uniquement des randonneurs en forêt de Sénart. Au regard de l’hiver à la douceur extrême que nous vivons, on peut redouter une pullulation maximale d’acariens au printemps, dans les campagnes, les villages mais aussi au cœur des grandes métropoles. L’un de nos témoins a été contaminé en passant la tondeuse sur le carré de verdure de son jardin.
Est-il plus compliqué d’être pris en charge lorsque l’on réside dans un territoire reculé ?
FP : Oui et non. Lorsque l’on fait quatre heures de route depuis sa campagne éloignée pour se rendre à un rendez-vous, pris trois mois plus tôt, pour s’entendre dire que l’on n’a rien, que l’on invente, que l’on simule, c’est d’une grande violence ! Et pour ces détracteurs, ne pas revoir ces gens est la preuve qu’ils ne seraient pas d’authentiques malades. En réalité, les personnes éconduites constituent les contingents de patientèle des « docs Lyme » dont ils obtiennent les coordonnées par les associations.
Cet abandon des malades provoque-t-il des dérives ?
ML : Au fil de nos échanges avec les différents protagonistes, nous avons été stupéfaits d’apprendre que nombre de malades, abandonnés à leur sort par la médecine, tentant de diminuer leurs souffrances, se lancent dans des recherches effrénées pour trouver des remèdes à leurs maux. Ils s’automédiquent et se procurent comme ils le peuvent des plantes ou des médicaments. Vous l’imaginez, les résultats sont très variables.
FP : Parfois, on nous a avancé que telle ou telle plante aurait des effets positifs avérés sur certains symptômes. Dans d’autres cas, des malades n’hésiteraient pas à s’administrer des antibiotiques comme la rifampicine, utilisée contre la lèpre, la tuberculose ou la légionellose et qu’ils ont commandés à l’étranger via Internet ! Il faut imaginer l’état de détresse de ces gens pour envisager une telle prise de risque. Dans tous les cas, on peut s’émouvoir du fait que des assurés sociaux français en arrivent à devoir se procurer sous le manteau des traitements pour tenter d’apaiser leurs souffrances.
ML : Certains malades ont acquis des connaissances faramineuses en lisant toute la nomenclature internationale. C’est une réflexion annexe, mais il nous semble que le temps du « patient ignare » est révolu. Internet et les réseaux sociaux ont bouleversé les possibilités d’accès à la connaissance. La médecine devrait réfléchir à des pistes pour mieux écouter ceux qui souffrent et mieux dialoguer avec eux.
Les divergences scientifiques nourrissent-elles la controverse ?
ML : Sur le plan scientifique, on sait finalement peu de choses sur cette maladie et les autres co-infections transmises par la tique. En France, il n’y a pas de budget spécifique pour la recherche. Aux États-Unis, il y en a depuis peu. A priori, l’industrie pharmaceutique ne semble pas intéressée par cette maladie. A partir du moment où il n’y a pas de réelle recherche, on ne peut pas dire que la polémique soit scientifique.
Votre enquête constitue-t-elle une charge contre le système de santé ?
FP : Certainement pas. Nous rendons grâce à la médecine et à ses capacités, plus fortes que jamais, d’améliorer le destin de nos concitoyens. Notre ouvrage doit s’interpréter comme une enquête au long cours qui témoigne d’un dysfonctionnement dont beaucoup de malades sont les victimes.
ML : Indirectement, c’est un faisceau de témoignages à charge contre quelques infectiologues, regroupés au sein d’une société savante de médecine, à l’influence certaine, qui édicte aux professionnels de la santé les protocoles de prise en charge des patients de la maladie de Lyme, sans possibilité de discussion. Vous savez, ceux qui sont aujourd’hui les « docs Lyme », opposés aux recommandations de cette société savante, le sont devenus après avoir vu ce qui se passe dans leurs consultations, pas par la volonté de contester. Beaucoup d’autres médecins doutent aussi de ces recommandations mais, plutôt que de se mettre en porte-à-faux vis-à-vis de leur Ordre, ils préfèrent ne pas prendre en charge ce type de pathologies et les renvoient vers les hôpitaux. Personne n’exige de la médecine un devoir de guérir. Les demandes ici sont simples : ne plus rejeter violemment et systématiquement les patients en les traitant de malades imaginaires ou de fous ; et reconnaître l’existence d’une forme chronique de Lyme attestée par des études internationales et les observations de terrain.
FP : Et surtout mettre des moyens pour la recherche contre cette maladie.
ML : Par ailleurs, nous ne pouvons que saluer et admirer le travail et l’engagement des « docs Lyme ». Malgré l’opposition de leurs pairs et les menaces qu’ils subissent, ils ont choisi de lutter du mieux qu’ils le peuvent contre cette maladie, aux côtés de leurs patients, parfois au détriment de leur carrière.
Le pouvoir politique est-il informé de cette situation sanitaire alarmante ?
ML : Nombreux sont les élus ayant constaté dans leurs régions les ravages de Lyme et les difficultés de leurs administrés à se faire soigner. Le Sénat a organisé plusieurs auditions en 2019. À l’Assemblée nationale, une trentaine de députés regroupés dans une commission soutient les malades et leurs associations. Ils s’engagent, les accompagnent lors de manifestations et proposent des amendements aux différentes lois Santé. Malheureusement les pouvoirs publics se rangent, pour l’instant, derrière les recommandations de la société savante que nous évoquions précédemment. Fin 2019, alors que le Sénat a voté un crédit de 5 millions d’euros pour la recherche sur Lyme, le ministère de la Santé le fait rejeter à l’Assemblée nationale en expliquant que le sujet est traité dans le budget global de la recherche. Pourtant, parmi les associations de malades et les différents intervenants, personne n’arrive à identifier le moindre programme de recherche digne de ce nom, c’est-à-dire doté de moyens.
FP : Par ailleurs, dans une résolution votée fin 2018 au Parlement européen, les députés ont acté le besoin urgent d’un plan Lyme au niveau européen,  « une maladie sous-diagnostiquée qui touche plus d’un million d’Européens » et appellent très clairement à investir dans la recherche et la prévention.
Comment justifier un tel dogmatisme de la part de ceux qui contestent l’existence d’une forme chronique de la maladie de Lyme ?
ML : C’est une excellente question. Nous vous renvoyons au remarquable texte de Geneviève Massard-Guilbaud « Quand les médecins refusent de soigner » que nous publions à la fin de ce livre, page 105. Geneviève Massard-Guilbaud est directrice d’études à l’EHESS. Elle dresse un panorama précis et documenté de la maladie de Lyme. Elle y expose les différentes raisons, selon elle, pour lesquelles la médecine s’oppose à la reconnaissance d’une forme chronique de cette borréliose.
Pourrait-on faire un rapprochement avec d’autres controverses sanitaires passées ?
FP : L’histoire le dira. Mais souvenez-vous de l’affaire du sang contaminé. On nous avait expliqué à l’époque que le sang ne posait pas de problème alors même que les risques d’infection par transmission sanguine étaient avérés. Les yeux dans les yeux. Les hémophiles payeront le prix fort de ce mensonge. Le docteur Michel Garretta, directeur à l’époque du Centre national de transfusion sanguine (CNTS), sera condamné à quatre années de prison ferme pour avoir sciemment distribué à des patients hémophiles, de 1984 à la fin de l’année 1985, des produits sanguins contaminés par le virus du sida.Que dire du Mediator ou de la crise du Distilbène, des enfants nés sans bras ou du réputé chef de service en pneumologie d’un hôpital parisien, condamné pour avoir menti sous serment devant le Sénat. Le pneumologue avait déclaré que le coût financier de la pollution de l’air n’avait « aucun lien avec les acteurs économiques » du secteur, omettant de préciser au passage qu’il était salarié depuis près de dix ans par le groupe Total comme médecin-conseil et membre du conseil d’administration de la Fondation Total.
ML : Et plus récemment, en 2018, l’association Anticor a réussi à faire annuler une recommandation de la Haute autorité de santé sur le traitement du cholestérol après avoir montré que 6 des 9 experts qui composaient la commission avaient falsifié leurs déclarations d’intérêts. Ces experts avaient de nombreux liens d’intérêts avec des laboratoires pharmaceutiques commercialisant des traitements contre le cholestérol. Ils avaient émis des conclusions qui auraient augmenté fortement l’utilisation de ces médicaments.
FP : Bref, le passé et l’actualité nous rappellent chaque jour le devoir de conserver une pensée critique sans sombrer, pour autant, dans un complotisme systémique.
Pourquoi avoir photographié vos témoins dans la nature ?
ML : Cela nous a semblé évident. Lyme est une maladie de la nature. Cette nature que l’on aime tant, si belle, mais qui peut se révéler si dangereuse… juste derrière notre porte. Des panneaux de prévention sont apparus récemment dans certains jardins publics du centre de grandes villes. Les tiques infestées sont aujourd’hui sur tout le territoire, à plus ou moins forte densité selon les endroits. Chaque contact avec la nature, chaque balade en forêt doit donner lieu à des précautions avant, pendant et après.
Quel destin souhaitez-vous à ce recueil de témoignages poignants ?
ML : Ce livre s’ajoute aux cris de détresse et d’alarme poussés, depuis un moment, par les malades et ceux qui les entourent. Il doit servir à placer devant leurs responsabilités tous ceux qui nient la réalité de leurs maux. Comme l’a écrit un des témoins de ce livre dans un courrier adressé à un ex-ministre de la Santé : « Vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas. »
FP : L’horloge des souffrances s’emballe pour ces parias. La solution viendra de la pression conjointe des associations de malades et des élus politiques de terrain sur les autorités de tutelles. Qu’ils usent et abusent de cet ouvrage pour faire avancer leur combat.
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